search-form-close
ENTRETIEN – Issad Rebrab : « Il est hors de question pour moi d’abandonner »

ENTRETIEN – Issad Rebrab : « Il est hors de question pour moi d’abandonner »

Dans cet entretien exclusif accordé à TSA, le président du groupe Cevital, Issad Rebrab, explique les raisons derrière sa décision d’implanter à Charleville-Mézières, dans la région française des Ardennes (nord-est) des unités de fabrication de membranes et de stations de production d’eau ultra-pure, de traitement des eaux usées de l’industrie et de dessalement d’eau de mer.

En quoi consiste le projet annoncé en France, dans le cadre de la technologie d’EvCon ?

Notre technologie est unique au monde, et je pèse mes mots. C’est une technologie disruptive, révolutionnaire qui répond aux besoins de l’humanité dans de nombreux secteurs de l’industrie grâce à la purification de la vapeur avant condensation par le biais de membranes hydrophobiques.

Nous avions l’intention au départ de fabriquer exclusivement en Algérie la totalité des membranes pour le marché mondial. Cela aurait généré pour notre pays plus de 15 milliards d’euros par an en exportation hors hydrocarbures. Néanmoins, les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui pour dédouaner une partie de nos équipements fabriqués exclusivement pour ce type de technologie m’ont poussé à prendre la décision d’installer des centres de fabrications de membranes à Charleville-Mézières, en plus des centres prévus en Algérie, et ce afin de sécuriser l’approvisionnement de nos clients dans les délais.

Cela dit, notre objectif est de produire 95% des membranes en Algérie, et 5% dans les Ardennes.

Quel genre de difficultés subit le projet en Algérie ?

Nous avons des équipements bloqués au niveau des Douanes depuis le mois de juillet !

Comment avez-vous été affecté par ce blocage ?

Cela a retardé nos projets. Ces équipements sont des prototypes fabriqués uniquement et exclusivement pour EvCon Industry, étant donné que la technologie que nous avons développée dans notre centre de recherche et développement en Allemagne est nouvelle et couverte par 189 brevets à travers le monde. Leur fabrication a d’ailleurs nécessité la collaboration de plusieurs entreprises de renommée mondiale : trois sociétés allemandes, des sociétés suisses, deux sociétés italiennes et une société sud-coréenne avec sa filiale autrichienne.

Une partie de ces équipements a été dédouanée. Une autre ne l’a pas encore été. Nous espérons pouvoir les sortir prochainement.

Est-ce pour cette raison que vous avez choisi d’installer des sites de production en France ?

C’est en effet à cause de ces difficultés que j’ai décidé de ne pas prendre de risque et d’implanter une usine en France. Il existe une demande très forte au niveau mondial pour les membranes. Nous avons déjà un carnet de commandes important et nous avons pris des engagements avec nos clients.

Une société chinoise avec laquelle nous avons signé une joint-venture nous a passé une commande de 16 500 mètres carrés de membranes, un autre groupement d’Inde nous a commandé 2000 mètres carrés de membranes. Nous avons aussi des joint-ventures pour fournir des stations avec des blocs de membranes pour les États-Unis et pour différents clients européens. Ils attendent tous que nous rentrions en production pour satisfaire leurs commandes.

Envisagez-vous en cas de persistance des blocages d’abandonner votre projet de fabrication de membranes en Algérie ?

Il est hors de question pour moi d’abandonner. Je vais continuer à me battre jusqu’à la levée de tous ces blocages, qui, au-delà du groupe Cevital, constituent un réel danger pour le développement économique de notre pays. Personne ne peut ni ne doit tolérer que l’avenir de nos enfants soit sacrifié pour satisfaire les intérêts étroits de quelques individus.

Quel est le coût de ce nouveau projet en France ?

Le coût de la première tranche s’élève à 250 millions d’euros, et la deuxième tranche est de 50 millions d’euros. Le projet coûtera donc au total 300 millions d’euros.

Comment allez-vous financer ce projet ?

Lorsque nous avons abordé la question du financement avec le président français Emmanuel Macron, il a donné des instructions pour que nous bénéficions d’un accompagnement. Nous n’aurons aucun problème à lever des fonds.

Pour vous donner une idée des pays qui sont conscients du problème que pose le chômage et qui sont attachés à la création d’emploi, Il a suffi de mille emplois à Charleville-Mézières pour que tout le monde soit à notre écoute. Des organisations de formation de personnel au préfet de la région en passant par le président de la région et les élus locaux, tout le monde était prêts à nous accompagner. Le Président de la République Emmanuel Macron est même venu inaugurer le site composé de cinq projets industriels et un centre de recherche et développement. Le terrain qui accueillera le site et qui s’étend sur 13,5 hectares et qui comporte déjà un hangar industriel tout équipé (gaz, électricité, eau, air comprimé) d’une superficie de 9000 m² et plus de 1000 m² de bureaux, nous a été vendu pour un euro symbolique. C’est vous dire l’importance que les pays développés accordent aux nouvelles technologie et la création d’emplois et de richesses. C’est vous dire la place qu’occupent les entrepreneurs chez eux. Ils sont une denrée précieuse et tout est fait pour leur faciliter la tâche.

Ce n’est pas le cas chez nous ?

Hélas, non ! Mais, nous n’avons pas de patrie de rechange. J’ai l’Algérie dans mes tripes. Si j’avais cherché la facilité, je serai parti dans les pays prêts à m’accueillir à bras ouverts.

Quels que soient les investissements que nous réaliserons sur le plan international, nous essaierons toujours de créer autant d’emplois et de richesses dans notre pays. L’Algérie regorge de jeunes talents et nous n’avons pas le droit de les laisser tomber.

C’est donc le sens du devoir qui vous pousse à aller de l’avant ?

Oui et à double titre.

J’ai un devoir vis-à-vis de tous ces jeunes que vous voyez ici (au Salon de l’emploi, NDLR) et qui ont besoin de croire en un lendemain meilleur. J’ai également un devoir par rapport à mes parents et surtout à mon frère-aîné, mort pendant la Révolution. Il avait rejoint le maquis à l’âge de 18 ans pour se battre pour une Algérie libre et indépendante. Je ne peux pas trahir son sacrifice, comme je me refuse de décevoir les attentes et les espoirs de notre jeunesse en mal d’emplois et de perspectives d’avenir.

  • Les derniers articles

close