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Pourquoi l’Algérie soutient la Palestine et le Maroc est avec Israël

Pourquoi l’Algérie soutient la Palestine et les mouvements de décolonisation alors que le Maroc se range derrière Israël ?

C’est connu : les efforts soutenus de l’Algérie et son soutien permanent à la Palestine ne sont pas du goût de l’État Hébreu. Illustration : Il y a quelques jours, le porte-parole francophone de l’armée israélienne, Olivier Rafowicz, client attitré des plateaux des télévisions françaises depuis le déclenchement de la guerre à Gaza le 7 octobre dernier, a tenté de confondre l’Algérie en l’accusant de « radicalité » vis-à-vis de son pays. En revanche, il a considéré que le Maroc est avec Israël.

« L’Algérie essaye de rallier le Fatah et le Hamas pour que les Palestiniens se rallient les uns avec les autres contre l’État d’Israël. Donc, quelque part, le Maroc est avec Israël et l’Algérie se radicalise aujourd’hui face à Israël et se radicalise également face au Maroc », a affirmé Olivier Rafowicz sur la chaine i42 News en réponse à une question sur les positions de l’Algérie et du Maroc vis-à-vis d’Israël et de la Palestine.

Le porte-parole de l’armée israélienne fait sans doute allusion à la réunion des factions palestiniennes à Alger en octobre 2022 et couronnée par la « déclaration d’Alger » visant à promouvoir la réconciliation entre ces factions.

En usant du vocable « radicalité », il suggère une forme de « jusqu’au-boutisme », aux relents de l’animosité, de la position algérienne à l’égard de son pays.

Or, le soutien de l’Algérie à la lutte du peuple palestinien n’est ni de circonstance, ni ne tient d’aujourd’hui. C’est une position dogmatique qui puise sa force du combat libérateur mené contre le colonialisme français.

Dès la création de l’État Hébreu en 1948, l’Algérie n’a jamais cessé d’apporter son soutien au peuple palestinien dont les terres ont été spoliées comme le furent celle des Algériens dès 1830 par les colons français.

Qui mieux donc que l’Algérie, qui a connu les affres du colonialisme, peut comprendre le sens profond de la lutte que mènent les palestiniens pour récupérer leurs terres ?

Aux yeux des dirigeants et de larges pans de la population- si l’on excepte ceux qui voient le problème sous le prisme religieux-, la lutte des Palestiniens est assimilée au combat anticolonial contre la France mené par l’Algérie.

C’est pourquoi l’Algérie demeure, dans la sphère arabe, comme l’un des rares pays à refuser toute approche de normalisation avec Israël, tant que la question palestinienne n’est pas résolue.

« Je constate qu’il y a une sorte de course […] vers la normalisation, nous n’y participerons pas, nous ne la cautionnons pas et la cause palestinienne est sacrée pour nous et pour tout le peuple algérien », assurait en septembre 2020 le président Abdelmadjid Tebboune peu après la décision des Émirats-arabes Unis et du Bahreïn et quelques mois avant celle du Maroc de normaliser leurs relations avec Israël.

Ce samedi, le président Tebboune a réitéré la position intangible de l’Algérie dont le crédo est la défense des « causes justes ».

Le Maroc est avec Israël et l’Algérie soutient la Palestine : explications

« Personne ne peut nous accuser de racisme en nous tenant aux côtés des Palestiniens, car notre histoire est pleine de plaidoyers en faveur de causes justes. L’Algérie est toujours aux côtés des opprimés, même aux dépens d’un frère et d’un ami », a réitéré le chef de l’État en soulignant que la prochaine bataille de l’Algérie est de faire de la Palestine un membre permanent des Nations Unies.

« Nous ne quitterons pas le champ de cette bataille », a-t-il lancé.

Il faut dire que tous les pays qui ont subi le colonialisme ont adopté la même position principielle que l’Algérie. C’est le cas, à titre d’exemple, de l’Afrique du Sud, longtemps écrasé par le régime d’Apartheid, dont le pays a, depuis le début de la guerre contre Gaza, déposé trois requêtes auprès de la Cour internationale de Justice lui demandant d’imposer des mesures contre Israël qu’elle accuse de « crimes contre l’humanité » et de « génocide ».

C’est le cas également des pays de l’Amérique latine, dont certains ont décidé de rappeler leurs ambassadeurs à Tel-Aviv, comme le Chili, la Colombie ou le Honduras.

D’autres ont procédé carrément à la rupture de leurs relations diplomatiques avec Israël, comme le Belize et la Bolivie. Le Brésil, non plus, n’a pas été tendre avec Israël. Son président, Lula Da Silva, a assimilé le 18 février dernier lors de son discours au sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba les massacres commis par l’armée israélienne à Gaza à la « Shoah ». Il a accusé Israël de « génocide », provoquant une crise diplomatique, entre les deux pays.

À l’inverse, les pays arabes, engagés dans la course à la normalisation, minés par des divisions, se sont retrouvés dans une position délicate, comme en témoigne l’attitude de nombreux régimes.

Deux pays seulement, la Jordanie et le Bahreïn, soucieux des retombées de la guerre, ont osé rappeler leurs ambassadeurs à Tel-Aviv alors que l’Arabie Saoudite a suspendu les « pourparlers » qu’elle a engagés dans la perspective d’une normalisation avec Israël.

Des positions de protestation, beaucoup plus conjoncturelles, qui ne remettent pas en cause fondamentalement leurs rapports avec Tel-Aviv.

Et rien de plus édifiant de cette attitude embarrassante que celle du Maroc. Signataire des accords d’Abraham en décembre 2020, le Maroc se complait depuis le début de la guerre dans un mutisme assourdissant.

Alors que l’opinion, majoritairement acquise à la cause palestinienne, gronde, les dirigeants du royaume, à leur tête Mohammed VI, font le dos rond, attendant probablement le « passage de la tempête ».

Une posture d’autant inconfortable que même des pays occidentaux commencent à s’agacer de la politique dévastatrice, au mépris du droit international, de l’entité sioniste.

Faut-il s’attendre à une révision de ses relations, comme il l’avait fait lors de la seconde Intifidha en 2000 ? Pas sûr au regard de la dimension de la coopération, notamment sécuritaire et militaire, qui lie désormais les deux capitales, Rabat et Tel-Aviv.

Dans sa quête effrénée de rallier le maximum de pays à sa cause, celle de renforcer son emprise sur le territoire sahraoui, le Maroc semble prêt à s’accommoder, y compris d’un pays encombrant comme Israël, désormais mis au banc de la communauté internationale.

Et les propos d’Olivier Rafowicz ne font que révéler à vrai dire le choix du royaume : sacrifier la lutte des Palestiniens pour ses visées expansionnistes au Sahara occidental.

Un choix d’un pays qui ne connait sans doute pas le sens des causes justes, mais un pari risqué compte tenu des chamboulements de la géopolitique mondiale.

Le Maroc ne sait pas ce que sait une lutte pour l’indépendance, ne comprend les souffrances des peuples colonisés, puisqu’il est lui-même, comme Israël, un pays colonisateur.

Ce qui est le contraire de l’Algérie et de tous les pays qui soutiennent la cause palestinienne et les peuples colonisés.

« Nous voyons notre histoire à travers les yeux des Palestiniens, une histoire de déplacements, de privations, de déni d’identité nationale, de migration forcée, de discriminations et maintenant de faim », disait récemment le premier ministre irlandais, Leo Varadcar au Président américain Joe Biden. Le sentiment qui anime la constance de la position de l’Algérie y est résumée dans ces mots.

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