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« Le véritable problème du cinéma algérien actuel c’est la création »

« Le véritable problème du cinéma algérien actuel c’est la création »

Salim Aggar est journaliste, critique de cinéma et réalisateur de documentaires. Entre 2018 et 2021, il a dirigé la Cinémathèque algérienne. Actuellement, il occupe le poste de directeur de la chaîne de télévision d’informations internationales publique AL24news.

Après un premier livre intitulé « Le cinéma algérien à travers l’affiche » édité par le Centre algérien de la cinématographie, Salim Aggar publie un deuxième ouvrage à compte d’auteur « Al Rissala, l’histoire d’un film sur l’islam ».

Le célèbre long métrage du réalisateur syro-américain Mustapha Akkad sorti en 1976 a connu deux versions : l’une en arabe et l’autre en anglais. Il a été doublé en douze langues et a eu un succès retentissant dans le monde entier.

Ce film a suscité l’intérêt de Salim Aggar. Dans un premier temps, le journaliste devait le produire sous forme d’un documentaire comme il nous l’explique : « J’avais pris attache avec Mouna Wassef, la dernière star du film encore en vie pour filmer son interview puis j’ai déposé le projet du documentaire au niveau de l’ENTV, qui n’a pas répondu ».

La réalisation par Al Jazeera d’un documentaire sur la vie et le parcours de Mustapha Akkad a fait changer d’avis Salim Aggar.

« J’ai renoncé à ce projet après l’excellent documentaire réalisé par Al Jazeera sur Mustapha Akkad. Ce n’est qu’en 2018 que j’ai décidé de consacrer un livre au film Al Rissala. Les recherches pour la documentation, les archives et le visionnage de tous les témoignages et tous les reportages sur le film ont duré plus de trois ans. J’avais terminé l’écriture du livre en 2022, mais faute de papier, je n’ai pas pu sortir l’ouvrage qui a été édité à compte d’auteur. Le livre est paru lors du SILA 2023. Il rencontre actuellement un bon succès ».

Al Rissala (Le message) qui a regroupé plus de 28 nationalités différentes a été regardé par plus de 700 millions personnes dans le monde.

« C’est un film qui a marqué toute une génération, contribué à la promotion de l’Islam dans le monde et surtout révolutionné le cinéma arabe. Mon intérêt pour ce film a été aussi bien sur le plan cinématographique que sur le plan géopolitique et religieux. Dans le livre, il y a beaucoup d’aspects qui sont abordés sur ce film et qui ne sont pas nécessairement visibles à l’écran, comme la bataille des chiites et des sunnites, la représentation du prophète au cinéma et surtout la place de ce film dans le paysage cinématographique mondial », explique à TSA Salim Aggar.

Regard sur le cinéma algérien des années 70

Depuis 2007, Salim Aggar a entamé une carrière de réalisateur de documentaires. Il en a produit cinq à ce jour. Il porte un regard mesuré sur l’évolution du cinéma algérien, soulignant ses forces et ses faiblesses.

« Mon regard sur le cinéma algérien est global, aussi bien sur le plan artistique et thématique, que sur le plan cinématographique. Il est certain que le cinéma algérien est passé par des périodes de crises et de succès ».

Il rappelle que l’Algérie demeure, à ce jour, le pays arabe et africain qui « détient un Oscar et Golden Globes pour le film « Z », un Lion d’Or à Venise pour le film « La Bataille d’Alger », une Palme d’Or et le prix de la 1e Œuvre à Cannes pour le film « Chronique des années de braise » et surtout cinq nominations aux Oscars dont trois pour les films de Rachid Bouchareb »

Salim Aggar remarque que si on comptabilise le nombre de prix remportés par le cinéma algérien depuis l’indépendance « on est de loin, le meilleur de la région ».

« Mais le constat est là, le cinéma algérien a perdu beaucoup de sa force : salles fermées, industrie absente et surtout une présence sur le marché mondial quasiment inexistante. Le cinéma algérien a besoin d’une structure imposante à l’image de l’ONCIC dans les années 70 pour prendre en charge le renouveau du cinéma algérien », soutient-il.

Le cinéma algérien des années 70 et 80 a marqué les esprits et apposé son empreinte avec des acteurs « poids lourds », au charisme imposant : « Indéniablement, les acteurs de l’ancienne génération qui ont imposé un style et une présence forte sont Keltoum, Allal El Mouhib, Kouiret, Rouiched, Hadj Abderrahmane, Athmane Ariouet, Hassan El Hassani et dans la nouvelle génération je citerai Hassan Kechache », énumère Salim Aggar.

Pour la liste de ses films préférés, il cite La Bataille d’Alger, Chronique des années de braise, L’Opium et le bâton, Nahla, La nuit a peur du Soleil, Tahya ya didou, Les vacances de l’inspecteur Tahar, Machaho, Le puits et Rachida.

Le cinéma algérien peine à produire des films d’aussi bonne qualité que ceux des années 1970. Comment expliquer une telle situation ?

« Le véritable problème du cinéma algérien actuel c’est la création. Depuis l’année de l’Algérie en France en 2003, le cinéma algérien est tombé dans le piège du ‘cinéma de manifestation’ et donc le cinéma de commande. Il n’y a plus de création individuelle pour faire des films sur des histoires de la société algérienne comme ‘Omar Gatlato’, ‘Nahla’ ou ‘Le charbonnier’. Et pourtant les sujets existent », explique-t-il.

Pour lui, le cinéma des années 70 est « plus prolifique » et « plus créatif » que celui des années 2000. Quant aux cinéastes algériens établis à l’étranger, certains continuent à se distinguer et à faire rayonner le cinéma algérien au-delà des frontières à l’exemple de Merzak Allouache et Rachid Bouchareb.

« L’exil n’a pas tué la création. Merzak Allouache reste le cinéaste algérien le plus prolifique du cinéma algérien en tournant au moins un film par an. Pour ce qui est des tournages des films algériens à l’étranger ils sont très rares à l’exception de certains films de Rachid Bouchareb, qui reste le seul cinéaste algérien qui tourne à l’américaine, avec des têtes d’affiches internationales ».

Salim Aggar a deux projets sur le feu. Il prépare actuellement un essai sur les coulisses du film La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo. « Il y aura des histoires anecdotiques, des photos et des informations inédites sur ce film ».

Puis il s’attèlera à l’écriture de son premier livre fiction sous forme de nouvelles intitulé « Vidéoclub » et traitant de la période des vidéothèques dans les années 90.

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