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Akli Mellouli : un sénateur français d’origine algérienne au parcours atypique

Akli Mellouli : un sénateur français d’origine algérienne au parcours atypique

Dans les milieux politiques en France, Akli Mellouli fait figure d’exception. Ce sénateur franco-algérien mène des combats politiques contre l’injustice, le racisme et se bat pour changer le regard de la France sur l’immigration, notamment algérienne, sans renier ses racines algériennes.

Fort de ses principes qu’il puise justement dans sa culture, il considère l’immigration comme une véritable richesse pour la France, mais aussi pour l’Algérie.

Akli Mellouli ne cesse de mener un combat inlassable contre les injustices et les discriminations en France, dont sont victimes parfois ses compatriotes, mais aussi plus globalement certaines communautés étrangères.

À 64 ans, le sénateur franco-algérien, Akli Mellouli n’est pas prêt à renoncer à son engagement qui se confond avec son parcours : promotion de l’égalité, la fraternité et la dignité humaine.

Et à l’heure où la France s’épuise dans les sempiternelles polémiques sur l’émigration, accusée de tous les maux, sa voix se veut celle d’un homme de raison, convaincu que l’immigration est plutôt une source de richesse.

« Contrairement aux idées reçues, toutes les études montrent que l’immigration contribue positivement à la croissance économique de la France, augmente l’emploi et ne pèse pas sur les finances publiques. Il est essentiel de rappeler ces faits face aux discours simplistes et erronés », soutient-il.

Akli Mellouli, du militant associatif jusqu’au banc du Sénat

L’homme sait de quoi il parle puisque lui-même est fils d’immigrés algériens. Natif en 1959 du village Lhota, dans la daïra de Souk El Ténine, à une trentaine de km à l’Est de Béjaïa en Algérie, Akli Mellouli grandit à Bonneuil-sur-Marne, une commune de la région parisienne (94).

Et c’est là qu’il découvre les facettes méconnues de la France, loin de l’image d’Épinal qui nourrit certains fantasmes. Jeune, il réalise déjà la dure réalité à laquelle sans doute ont dû être confrontés ses parents et ses compatriotes qui ont choisi d’immigrer pour s’accomplir et assurer l’avenir de leurs progénitures.

« J’ai grandi à Bonneuil-sur-Marne, dans un quartier qui reflète à la fois les défis et les richesses de notre société, j’ai été très tôt sensibilisé aux inégalités et aux injustices qui nous entourent. Cette prise de conscience précoce a été le moteur de mon engagement dans le monde associatif, où j’ai lutté pour l’égalité, l’éducation populaire, et contre toutes formes de discriminations », raconte-t-il à TSA.

Militant associatif, syndicaliste et militant politique de gauche, Akli Mellouli s’investit pleinement autant au niveau de sa ville -où il finit par être président du groupe socialiste de sa ville, puis maire adjoint en 2008- qu’au niveau national. Et depuis 2023, il est sénateur au sein du groupe écologiste qu’il a rejoint après en tant qu’indépendant à la chambre haute du Parlement français.

Un exploit dans un pays où il est difficile de se faire élire à un tel niveau de représentation sans être soutenu par un grand parti politique. Mais Akli Mellouli l’a fait. Son engagement, son militantisme, son franc-parler, sa double culture lui permettent de se battre et de gagner.

« En rejoignant le monde associatif et politique, j’ai tenté de faire vivre ces idéaux au travers d’actions concrètes ; m’engager politiquement m’est apparu naturel. Après 30 ans de militantisme politique, je siège désormais au Sénat, au sein du groupe écologiste. En tant que vice-président de la commission des affaires étrangères et de la défense, j’y poursuis mon combat pour la défense de la dignité humaine ici et ailleurs », raconte-t-il.

Profondément attaché à ses racines algériennes et à sa région natale dont la culture est une « source inépuisable d’inspiration et de force », dit-il, Akli Mellouli s’emploie également à créer des passerelles entre la France et l’Algérie en encourageant les initiatives de la diaspora algérienne en France dont il constate un certain engouement.

« Aujourd’hui, il y a effectivement un engouement. Il y a plusieurs initiatives. Et je soutiens toutes les initiatives sincèrement attachées à l’Algérie, qui respectent le peuple algérien et ont l’intérêt général comme boussole. La diaspora algérienne est une richesse pour les deux pays », souligne-t-il.

Sa double culture, son engagement et ses convictions chevillées le confinent à mieux appréhender certaines questions, à porter le doigt dans la plaie de la mémoire, à lutter contre un regard dégradant porté sur la diaspora, quitte à susciter la colère des nostalgiques de l’Algérie française.

Akli Mellouli répond aux détracteurs de l’accord de 1968

« Vous savez, j’ai créé avec des amis, il y a quelques années, une association qui s’appelait « L’espace franco-algérien ». Avec mes camarades, nous avons effectué un travail de mémoire sur les massacres du 8 mai 1945 et du 17 octobre 1961. Cela m’a valu des menaces de l’extrême-droite et des nostalgiques de l’OAS. J’ai également lutté pour que nous soyons reconnus comme Franco-Algériens et non plus sous l’appellation irrespectueuse de « beurs » », rappelle Akli Mellouli.

D’ailleurs, c’est avec un brin de dépit qu’il évoque l’accord de 1968 que certains acteurs politiques français, comme l’ancien ambassadeur français en Algérie, Xavier Driencourt, réclament l’abrogation parce qu’il le trouve avantageux pour les Algériens.

« Beaucoup de personnes, lorsqu’elles évoquent l’Algérie, sont dans le fantasme permanent et non la réalité. C’est malheureux. C’est le cas concernant les accords de 1968. En effet, les restrictions et les défis auxquels sont confrontés les ressortissants algériens en France montrent clairement un traitement beaucoup moins favorable sous plusieurs aspects importants », affirme Akli Mellouli, arguments à l’appui, en se référant à des dispositions contenues dans le texte et qui entravent l’établissement des Algériens en Hexagone.

Pour lui, les « personnes qui affirment que les Algériens sont avantagés grâce à l’accord de 1968 sont soit fainéants intellectuellement, car ils n’ont pas creusé le sujet et se contentent de répéter bêtement ce qui est véhiculé par l’extrême-droite, soit malhonnêtes intellectuellement et cherchent sciemment à stigmatiser et à salir l’image des Algériens et de l’Algérie ».

Akli Mellouli, le fils d’immigrés algériens, devenu sénateur en France

Il explique que les « restrictions et les défis auxquels sont confrontés les ressortissants algériens en France montrent clairement un traitement beaucoup moins favorable sous plusieurs aspects importants ».

Pour appuyer ses propos, Akli Mellouli rappelle que l’accord de 1968 dispose que « l’enfant algérien doit entrer en France avant l’âge de 10 ans pour obtenir le document de circulation d’étranger mineur (DCEM), une condition plus stricte que celle fixée par le CESEDA pour les autres étrangers, où l’âge limite est de 13 ans. »

Sur le regroupement familial, le sénateur franco-algérien souligne que selon l’accord de 1968, les ressortissants algériens doivent « justifier d’un niveau de ressources minimum équivalent au SMIC et respecter certaines normes de logement. »

« Ces exigences, bien que semblables sur le papier aux autres étrangers, s’accompagnent pour les Algériens d’un pouvoir discrétionnaire du préfet qui peut introduire une part d’incertitude et de subjectivité dans le processus d’approbation », remarque-t-il.

Troisième point où l’accord de 1968 n’est pas favorable aux Algériens concerne l’accès aux services administratifs via l’ANEF. « Il y a une impossibilité pour les ressortissants algériens d’accéder aux rendez-vous en préfecture via l’ANEF. Cela constitue un obstacle majeur, entraînant des délais prolongés et des difficultés supplémentaires, particulièrement pour les étudiants algériens fraîchement arrivés. Ce problème technique accentue la sensation d’être traité de manière inégale et met en évidence un manque d’attention aux besoins spécifiques de cette communauté. »

Enfin, et concernant les restrictions sur les titres de séjour pluriannuels et le changement de statut, Akli Mellouli rappelle que l’accord de 1968 « exclut » les ressortissants algériens des « facilités offertes par le Ceseda en matière de titres de séjour pluriannuels hors étudiants et de conditions plus souples pour le changement de statut, comme l’obtention du « passeport compétences» . »

Pour lui, ces « limitations restreignent les opportunités professionnelles et d’études supérieures pour les Algériens, les plaçant dans une position moins avantageuse que leurs homologues d’autres nationalités. »

France : stigmatisation des immigrés particulièrement ceux d’origine algérienne

Cheval de bataille de l’extrême droit française et d’une partie de la droite, la stigmatisation de l’immigration, particulièrement d’origine algérienne, a pris des proportions alarmantes ces dernières années en France.

En novembre dernier, une Loi sur l’immigration en France a été adoptée par le Gouvernement français, révélant la persistance d’un certain regard que porte encore une partie de la classe politique française sur l’immigration. De quoi décevoir Akli Mellouli.

« L’examen de ce projet de loi a été pour moi révélateur, d’une part, du regard que certains portent sur les étrangers dans notre pays, et d’autre part, de la connivence de plus en plus assumée entre une partie de la droite et l’extrême droite. Il est décevant de constater que, par bêtise ou par idéologie—les deux allant souvent de pair—l’étranger est perçu comme la source de tous nos maux », déplore Akli Mellouli.

« La France, qui possède l’une des plus longues histoires d’accueil d’immigrés en Europe, devrait être fière de cette tradition. Au lieu de cela, certains choisissent de persister dans l’inhumanité […] », estime l’un des rares élus d’origine algérienne au Sénat français.

Une attitude à l’origine sans doute des revers que subit la France dans ses anciennes colonies, comme en témoignent les dernières manifestations anti-françaises qui ont suivi les putschs opérés dans plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne.

Profondément convaincu de l’apport de l’immigration à la prospérité de la France et des capacités des communautés étrangères à établir des passerelles d’amitié entre le pays d’accueil et les pays dont elles sont originaires, Akli Mellouli estime que son pays d’adoption est appelé à revoir sa vision et son regard notamment sur le continent africain.

« Je dirai que la France doit adopter une vision et une politique à long terme dans ses relations avec l’Afrique. Il est crucial qu’elle ne répète pas les erreurs du passé et ne donne pas l’impression que son intérêt pour l’Afrique est uniquement dicté par des considérations politiques et économiques éphémères », dit-il.

Dans cette perspective, il considère que la francophonie, la diaspora africaine « dynamique et engagée » en France, les nombreux projets de coopération initiés par les ONG françaises et les sociétés civiles africaines, ainsi que les défis environnementaux communs sont des atouts qui sont de nature à relancer sur des « bases plus saines et mutuellement avantageuses nos échanges avec le continent ».

Mais au-delà de tous ces combats qu’il mène avec conviction dans son pays d’accueil depuis maintenant une quarantaine d’années, Akli Mellouli, forgé par sa double culture algérienne et française, veut aussi partager les valeurs dont il s’est imprégné avec ses compatriotes de la rive Sud de la Méditerranée, histoire de donner une image positive d’un pays qui ne l’a finalement jamais quitté.

« Mon parcours est aussi une histoire de conviction, d’engagement, et de dévouement à des valeurs qui me sont chères, transmises par mes parents depuis ma jeunesse. Et d’une certaine façon, j’essaie de les partager à mes proches et à mon entourage pour que l’Algérie ne soit pas une vieille carte postale jaunie sur une étagère ». Des valeurs dont nos compatriotes peuvent en prendre la graine.

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