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Abdelaziz Rahabi : « Je suis indigné par l’agressivité de Nasser Bourita »

Abdelaziz Rahabi : « Je suis indigné par l’agressivité de Nasser Bourita »

Abdelaziz Rahabi, diplomate algérien

Dans cet entretien, le diplomate algérien Abdelaziz Rahabi parle des résultats du Sommet arabe d’Alger, et exprime son indignation de l’agressivité du ministre marocain des Affaires étrangères…

L’Emir du Qatar a félicité le président Tebboune et l’Algérie pour le succès du sommet arabe d’Alger. Peut-on considérer que le sommet a été un succès comme l’ont promis les autorités algériennes, sur le plan de l’organisation d’abord, puis sur celui des résultats ?

Abdelaziz Rahabi : Le plus difficile dans un sommet ne réside pas dans les questions de logistique, elle est plus ou moins équivalente partout même s’il y a une différence de niveau de richesse entre les Etats membres.

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Les Etats du monde entier mobilisent des moyens exceptionnels pour les réunions des chefs d’Etat et ce en signe de considération pour ces dirigeants mais également pour les pays et les peuples qu’ils représentent.

Le mérite de ce sommet c’est d’avoir retrouvé la centralité de la question palestinienne et d’avoir ouvert le débat sur la question de la citoyenneté, de la concertation sur les questions énergétiques et de la sécurité alimentaire.

Les implications de la géopolitique des tensions est un thème nouveau et enfin la question de la réforme de la ligue des Etats qui n’est plus réduite à la demande de l’Algérie seulement.

La Déclaration d’Alger adoptée par le sommet des chefs d’État arabes comprend peu d’engagements concrets comme par exemple la mise en place d’un véritable marché arabe. Pourquoi ?

Abdelaziz Rahabi : On dit des sommets arabes que leur plus grand mérite c’est déjà de se tenir. Celui d’Alger intervient dans une conjoncture exceptionnelle marquée par la persistance des clivages sur la question des relations avec Israël, sur les crises libyenne et yéménite mais également sur les effets collatéraux de la guerre en Ukraine.

La Ligue arabe souffre aussi de la faible perception des opinions publiques sur ses missions parce que les citoyens ne ressentent pas le poids de ses décisions sur leur vie et leurs préoccupations quotidiennes, ce qui rend urgente sa réforme que l’Algérie réclame depuis 2005.

C’est aussi un Algérien, Lakhdar Brahimi, qui a tenté en 2013 de proposer une réforme globale et consensuelle de la Ligue arabe mais il a rencontré beaucoup de résistance au changement et à la modernisation auprès des membres les plus influents.

La Ligue arabe est-elle à cet égard en phase avec ses sociétés ou en réel décalage ? Cela reste un sujet de débat pour les Etats. A mon avis, les sociétés sont en avance sur leur représentation institutionnelle dans notre région.

Et à quelles retombées faudra-t-il s’attendre concernant la question palestinienne alors que de nombreux pays ont normalisé leurs relations avec Israël, assénant ainsi un coup de poignard à l’initiative arabe de 2002 ?

Abdelaziz Rahabi : La réconciliation entre les Palestiniens leur donne plus de poids et de crédibilité et remet sur la table l’initiative arabe de paix arabe que Trump a cherché à neutraliser pour donner du temps à Israël afin d’aborder cette question dans un cadre bilatéral qui donne aux Etats-Unis plus de moyens de pression à l’image de ce qui s’est passé avec le Sahara occidental.

« Le Maroc qui a une diplomatie tout à fait insulaire »

Des pays comme l’Arabie saoudite et le Qatar ont résisté et ont d’ailleurs favorisé l’accord inter palestinien, qui a été signé à Alger le 13 octobre dernier, et soutenu les efforts de l’Algérie.

La Déclaration d’Alger, qui a été signée par les factions palestiniennes, ne doit pas être considérée comme une rupture mais comme une démarche plus consensuelle et plus convergente. Les opinions publiques dans le monde arabe comme ailleurs, sont plus attentives à des positions collectives.

Le Maroc a tenté de parasiter le sommet arabe d’Alger. Pourquoi ?

Abdelaziz Rahabi : Il faut le dire que notre diplomatie n’est pas accompagnée par un système national et international d’information moderne et performant. Il est d’un archaïsme affligeant et a été contraint de céder la place aux réseaux sociaux toujours plus influents.

Il faut éviter la tentation de réduire l’agenda diplomatique algérien à nos seules relations avec le Maroc qui a une diplomatie tout à fait insulaire que lui imposent ses seules frontières avec l’Espagne, l’Algérie et le Sahara occidental.

« Je suis indigné par ailleurs par l’agressivité du ministre marocain des Affaires étrangères »

On a la diplomatie de ses frontières à moins d’être une moyenne ou une grande puissance. Son obsession pour les frontières  »authentiques » dont il est le seul à connaître les limites, tout comme Israël d’ailleurs est une construction mythique sur le chimérique Maroc de Allal el Fassi, enseigné encore dans les manuels scolaires marocains.

Elle est pour beaucoup le fondement dogmatique de son expansionnisme territorial. Sa diplomatie qui fait preuve d’arrogance ces dernières années est sans doute dopée en cela par la lettre de Trump et les relations  diplomatiques avec Israël.

Je suis indigné par ailleurs par l’agressivité du ministre marocain des Affaires étrangères (Nasser Bourita) dont le discours inamical et belliqueux à Alger même ne le qualifie pas pour une mission de représentation de ce rang à moins que le Maroc n’ait fait le choix délibéré de provoquer un incident diplomatique.

Les Algériens ont fait preuve de sagesse et de mesure pour ne pas gêner la bonne marche du Sommet alors qu’en d’autres circonstances on l’aurait mis dans le premier avion. La diplomatie n’est pas l’art de la provocation ni celui de la joue tendue.

Le Roi Mohamed VI, qui a boudé le sommet d’Alger, a invité le président Abdelmadjid Tebboune à Rabat pour entamer un dialogue bilatéral. A quoi joue-t-il ?

Abdelaziz Rahabi : J’imagine que pour le président Tebboune, il est difficile de donner une réponse sérieuse à une offre qui ne l’est ni dans la forme ni dans le fond.

L’Émir du Qatar a taclé les absents au sommet d’Alger. Le prince héritier d’Arabie saoudite, le président des Emirats arabes unis, les rois du Maroc, de Jordanie et de Bahreïn ont-ils eu tort de ne pas assister ou ne croient-ils plus à l’action arabe commune ?

Abdelaziz Rahabi : Chacun peut avoir des raisons d’assister ou de ne pas le faire, les unes sont comprises, d’autres un peu moins. La diplomatie est un lieu de mémoire.

Je ne sais pas s’il y a vraiment une place pour le débat sur cette question alors que c’est le sommet qui a enregistré l’un des plus hauts niveaux de représentation des réunions de la ligue des Etats arabes à l ‘exception bien évidemment des sommets extraordinaires qui en général se réunissent à la suite de crises majeures comme les guerres.

En outre, ses décisions engagent tous les membres car le fondement des relations internationales c’est justement l’égalité souveraine des Etats et pour nous c’est le socle normatif de notre doctrine de politique étrangère.

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